Des dialogueurs sont postés dans les rues de Fribourg pour recruter des adhérents au nom de diverses ONG. Focus sur un job souvent exercé par les jeunes.
Des stands représentant des ONG occupent régulièrement le hall de la gare de Fribourg ou la rue de Romont. A proximité, quelques personnes sont aux aguets et cherchent à attirer l’attention des passants. Elles sont là pour présenter des associations et enrôler de nouveaux membres. Agaçants pour certains, sympathiques pour d’autres, ces démarcheurs ne laissent personne indifférent.
Mais au-delà de cette image, qui sont-ils? Il s’agit en fait de dialogueurs, des employés rémunérés par une entreprise mandatée par des organisations ou autres associations. La plus connue d’entre elle est Corris. Son identité, bien que signalée sur les stands et divers documents, n’est pas toujours évidente pour tout un chacun. Un flou auquel il faudrait remédier selon Maxime Gindroz, chargé d’information de la Fédération vaudoise de la coopération (Fedevaco). «Ce manque de clarté peut confondre les gens», explique-t-il.
Une école de vie
Mario*, étudiant contraint à l’anonymat par son contrat, est devenu dialogueur peu après avoir terminé le collège. «J’aime parler et aller vers les autres. Donc j’ai toujours cherché un job dans le social.» Le jeune homme a beaucoup voyagé et rencontré de nombreuses problématiques. «Je suis très touché par l’inégalité dans la répartition des richesses dans le monde. Mais je suis aussi préoccupé par les questions d’agriculture biologique et les droits humains.»
Travailler pour Corris relevait ainsi de l’évidence. A travers ce travail, Mario a pu développer des qualités essentielles pour lui. «Grâce à cette activité, j’ai acquis plus de rhétorique et j’ai appris à mieux cerner les gens. Dans la rue, je dois voir dans quel état d’esprit sont les gens, s’ils sont intéressés ou pressés. Je décrypte des signaux.»
Des interrogations ont été soulevées à l’égard de la politique de rémunération de l’entreprise. Les dialogueurs reçoivent en effet un bonus dès qu’un certain nombre de nouvelles recrues est atteint. «Ce système peut donc nous motiver dans nos recherches de membres», explique Mario. Cette pratique est cependant critiquée car elle peut rendre le démarchage agressif. Propos que nuance toutefois Pierrette Rey, porteparole du WWF. «Nous travaillons depuis des années avec Corris, comme d’autres ONG de Suisse. Nous avons abordé ce sujet avec eux. Même si le système de bonus est toujours en place, ils ont augmenté les salaires, incitant moins à la performance.» L’organisation est de plus au fait de ce qui se passe sur le terrain et a de bons retours. «Nous avons un échange régulier avec nos collaborateurs et sommes souvent sur place. Il est rare que nous recevions des remarques à ce propos. De plus, les personnes recrutées par l’intermédiaire de Corris sont celles qui restent membres le plus longtemps.»
Les ONG gagnent en notoriété grâce aux actions de Corris. «Cela aide à faire connaître les causes pour lesquelles le WWF se bat, confirme Pierrette Rey. Le grand public peut ainsi être plus touché.» Mario ne voit d’ailleurs pas son travail comme une activité uniquement lucrative. «Même si je gagne de l’argent, confie-t-il, j’ai l’impression de faire quelque chose de positif, de faire avancer le schmilblick.» *Prénom d’emprunt.
Auteur: Céline Sidler, La Liberté du 22. mai 2015